Re: Volcardent
Publié : 20 août 2017, 19:25
Chapitre 4 : Volcardent
Les gouttes d’eau s’écrasaient sur le sol éclatant alors le silence qui régnait dans cet espace pauvre et clos. Tout était calme dans ce décor en noir et blanc, rien qui n’aurait pu effrayer les habitués des lieux. L’un d’eux d’ailleurs, formé d’une encre noire pâteuse, circulait avec fluidité dans cet environnement qu’il avait su domestiquer à la perfection. A quelques détails près. Une tête de couleur obsidienne sortie de la masse ténébreuse, puis s’allongea pour planter profondément ses dents de carnassier dans son propre flanc. Doucement il en sortit le second habitant inconscient et le jeta sans ménagement sur le sol. Recouvert d’une substance gluante, celui-ci prit brusquement une énorme bouffée d’air avant de se retourner pour régurgiter le liquide noirâtre qui s’était infiltré par la bouche et les narines. La bête s’éclipsa avant que la jeune femme puisse reprendre tous ses esprits. Il n’avait pas fait ça par bonté de cœur, c’était son hôte et cela n’ennuierait sincèrement qu’elle meure.
Au même instant, Mitsuki rampait hors de l’eau vomissant l’eau qu’elle avait involontairement avalé. La bonne nouvelle c’est qu’elle n’avait pas perdu son katana, ni son collier, et son fourreau était miraculeusement encore dans son dos. La mauvaise, c’était que sa manie de garder sa prise sur son arme lui avait salement tordu le poignet. Par chance la blessure n’était pas ouverte mais elle restait qu’en même douloureuse. Elle se releva en titubant sur ses jambes lourdes, prenant soin de maintenir immobile son poignet qui la faisait atrocement souffrir au moindre mouvement. D’une main tremblante, elle déboucla la lanière qui maintenait son fourreau dans son dos et rangea son katana. Il lui fallut un moment pour y arriver mais elle réussit, bien que cette action n’atténuât en rien la douleur. Douleur qui lui indiquait avec aveuglement le responsable de son malheur lorsque Yosushi se fit entendre en crachant le mélange de sable et d’eau de mer qui s’était infiltré dans sa gorge.
- Kof kof, ça va Mituski ? demanda Yosushi.
- Ça va ? ÇA VA !? On vient de perdre notre unique moyen de transport, se retrouvant à la merci d’une île dont on ne connait rien mais qui est prête à nous tuer et tu me demandes si ça va !!!
- Oui, euh, enfin, je crois comprendre que c’était une question stupide.
- Oh mais quelle perspicacité ! T’as trouvé ça tout seul ?
- Oui et ce n’est pas une raison pour te montrer blessante envers moi. Ne nous fâchons pas et essayons de prendre les choses du bon côté, nous sommes encore en vie. Et je pense que si nous travaillons ensemble sur ce problème calmement, nous pourrons nous sortir facilement de cette situation.
Mitsuki voulut riposter mais elle fut incapable d’ouvrir la bouche. Les paroles de son ami lui avait fait l’effet d’une claque dans la figure et elle ne pouvait que le regarder avec des yeux ronds comme des balles de tennis. L’optimisme du lézard lui aurait peut-être permis de reprendre son sang-froid mais c’était sans compter sur son poignet qui lui rappelait la douloureuse situation dans laquelle elle était. Elle ferma les yeux, soupira lentement, son corps détendu. Mais quand elle les ouvrit à nouveau, Yosushi prit conscience que son apaisement n’était que de façade.
- Tu vois j’ai fait beaucoup d’effort, dit-elle d’une voix glaçante, ça a été très dur pour me comporter comme il faut. Et qu’est-ce que je récolte ? Un bateau bousillé et un poignet cassé. Mais je suppose que ça n’a plus d’importance maintenant. Mes réserves de magie sont presqu’à sec et j’ai la migraine. Alors excuse-moi mais s’il y a bien un moment où je pourrais piquer une colère, c’est bien maintenant. Et comme je me connais bien sur ce sujet, je vais aller tranquillement me vider la tête en allant parcourir seule l’île, même s’il y a possibilité que quelque chose me tombe dessus. Sommes-nous clair là-dessus ?
Yosushi ne bougea pas d’un cil et se contenta de hocher la tête.
- Bien, répondit Mitsuki avec un sourire carnassier.
D’un coup sec, elle tourna les talons et s’enfonça dans la forêt luxuriante, laissant pantois son ami empoté sur la plage. Bien que le Yoshi s’inquiétait pour elle, ce n’était pas le cas de la magicienne qui savait que l’hybris avait besoin de magie pour prendre le contrôle de son corps.
C’est au bout d’une vingtaine de minutes d’une marche compliquée, dans une flore dense que Mitsuki décida de s’arrêter au pied d’un immense arbre pour reprendre son souffle. En l’observant de plus près elle identifia non pas un mais trois ficus entremêlés pour ne former qu’un unique tronc noueux. Elle s’assit sur une racine surélevée et sortit son étoile de sous son T-shirt. Son sac et sa casquette perdus dans les eaux, elle devait se résolue à se soigner avec ses artefacts, ce qui risquait d’empirer encore un peu plus sa migraine. Mais au point où elle était. Son étoile s’alluma et produisit de fines gouttes rouges qu’elle étala sur sa peau. Prenant son mal en patience, elle réprima ses cris de douleurs tandis que ses articulations, os et ligaments se remettaient peu à peu en place. Lorsque ce fut terminé, elle était recouverte d’une fine couche de sueur et sa fatigue en était devenue insupportable. Elle était piégée dans un cercle vicieux : sa migraine l’énervait et sa colère lui rappelait sa migraine.
Rassemblant le peu d’énergie qui lui restait, elle grimpa avec difficulté à l’arbre. C’était une mesure de précaution ; elle se trouvait dans un environnement inconnu et se reposer au sol reviendrait à devenir la cible des créatures sauvages qui pouvait potentiellement habiter cette île. Une fois au sommet du tronc, là où toutes les ramures commençaient à se disperser pour gagner un maximum de soleil, elle retira sa chemise qu’elle roula en boule afin de s’en faire un oreiller et s’installa le plus confortablement, avec le plus de sécurité possible, dans un creux au contact du bois. Elle s’endormit espérant qu’ils n’existaient pas de prédateurs pouvant grimper aux arbres.
Cette fois-ci le rêve se mélangea avec des souvenirs, Mitsuki le sentait, bien qu’elle n’eût aucune idée d’où et quand elle les avait vécus. Elle reconnut de suite le décor comme étant une des cours intérieures du château familial. L’une des fenêtres-vitraux menant au bureau de son grand-mère était cassée mais aucune trace de verres brisés sur la pelouse. A côté d’elle se trouvait un jeune oiseau humanoïde recouvert d’un plumage noir aux reflets cuivrés et habillé d’un gilet sans manche de la même couleur. Il me regarda avec des yeux proches de la lave en fusion et leva ses bras longs et grossiers. Ses plumes, alors collées, se déployèrent et d’un coup sec lui permirent de décoller vers le ciel. Intriguée par cette apparition, la jeune femme se décida à le suivre de la même manière. C’était son rêve après tout, elle pouvait faire ce qu’elle veut. Mais malgré qu’elle battît des bras, elle restait clouée au sol. Abasourdie elle tenta de sauter mais ses jambes refusaient de bouger. Poussée par une raisonnement onirique, elle chercha ses artefacts pour se sortir de cette situation. C’est à ce moment précis qu’elle s’aperçue avec horreur qu’elle n’avait plus ses pierres. Le gazon s’effaça peu à peu tandis que l’enfant-oiseau continuait son voyage dans les airs. Ne pouvant rien faire, elle tomba dans le néant bien qu’elle sentit des griffes lui transpercer la peau du dos afin de ralentir sa chute.
Mitsuki se réveilla brusquement de sa sieste réparatrice. Un oiseau, apeuré par cette précipitation, s’envola d’une branche du ficus pour s’installer à l’abri sur une branche plus lointaine. La magicienne se redressa, essuya les traces de bave et de salissures qui encrassaient ses joues avant de remettre sa chemise sur ses épaules. Elle leva ses yeux ensommeillés vers le ciel et regarda la position du soleil. D’ici trois heures il sera couché. Il valait mieux retourner sur la plage où se trouvait Yosushi. Cependant, Mitsuki n’avait aucune envie de se confronter à lui pour le moment. Une partie d’elle-même voulait même rester dans cet arbre, elle était bien et c’était plutôt hors de danger. Mais elle savait que cette partie était également celle qui lui demandait de rester au lit le matin. Ecoutant alors sa raison, elle descendit prudemment de l’arbre.
Elle continuait de rebrousser le chemin quand elle leva la tête vers un spectacle qui ne manquait pas d’intérêt. Un oiseau de type exotique s’était perché sur une branche. Il commença à gazouiller joyeusement suivit par quelques compères au loin qui entonnèrent avec lui le même chant. Pour ce qui aurait paru comme un événement banal pour la majorité des gens, ce ne fut pas le cas pour le cerveau de Mitsuki qui fouilla à son insu dans sa lointaine mémoire. Ce qu’il trouva gela sa propriétaire sur place. Depuis quand les oiseaux savent-ils chanter « Les arbres de Penocta ».
Elle n’eut pas le temps de se questionner plus que ça car un cri lointain se fit entendre. Il venait de la plage. Yosushi ! Instinctivement Mitsuki se mit en courir en direction de la plage. Elle espérait qu’il ne lui était arrivé rien de mal et même si c’était le cas, elle s’excuserait pour son comportement de tout à l’heure. Elle courrait toujours quand elle vit soudain l’ombre d’une silhouette la survoler. La jeune femme eut la mauvaise idée de regarder en l’air. Sa chaussure buta contre une racine et elle s’étala de tout son flanc par terre, s’écorchant le menton au passage. Plusieurs ombres lui passèrent à nouveau dessus mais cette fois-là elle entendit des protestations qu’elle trouva incompréhensibles jusqu’à ce qu’elle reconnaisse la voix de Yosushi. Elle fut rapidement suivie par le cri d’un immense rapace. Elle se releva et fit demi-tour afin de suivre les créatures qui s’en était pris à son ami. Elle avait finalement bien fait de faire une sieste. Mais avant qu’elle puisse faire un pas, elle entendit une branche gémir légèrement sous le poids d’un animal. Elle dirigea son regard vers le bruit. L’une des créatures qui avaient attaqué Yosushi avait atterri.
De la taille d’un humain adulte, elle était recouverte de milliers de plumes rabattus qui donnait à l’ensemble une texture similaire à celle d’un charbon de bois. Pas de doute, il était de la même espèce que l’enfant dans son rêve. Son bec semblait être taillé dans de l’obsidienne et ses yeux renvoyaient un regard similaire à du fer chauffé à blanc. Les plumes de ses ailes rétractés laissaient entrevoir à leurs extrémités des doigts noires et squelettiques. Il en était de même pour ses pattes ; on aurait dit qu’elles étaient faites d’os carbonisés. Comme preuve de civilisation, ce dernier portait un gilet sans manche fait de cuir et de fibres végétales. Déstabilisée par cette apparition soudaine, Mitsuki se reprit rapidement. Elle ne se rappelait plus le nom de cette espèce mais elle était sûre que celle-ci existait. Peut-être pouvait-elle entrer en contact en évitant d’en venir aux mains.
- Euh bonjour. Excusez-moi, nous nous sommes échoués sur votre île par mégarde. Nous ne vous voulons aucun mal. Mon ami s’est sans doute mal comporté avec vous, je m’excuse de son attitude envers vous et je vous serai grès de le laisser tranquille. S’il vous plait.
Comme réponse, l’oiseau lui jeta un regard assassin et lui lança une lame de couteau qu’elle évita de peu. Voyant cela voulait dire « non », Mitsuki s’élança à la recherche de Yosushi, entendant par la même occasion que son adversaire avait repris son envol. Sa tranquillité fut de courte durée puisque ce dernier revint à la charge. Il fondit sur elle et tenta de l’agripper à l’aide de ses serres. Mitsuki réussit à ne pas se faire embarquer en plongeant au sol tandis que derrière elle l’oiseau redressa sa trajectoire d’un puissant battement d’ailes. L’inconfort senti à cause de ses artefacts lors de l’impact lui rappela qu’elle pouvait toujours utiliser ses pouvoirs pour se débarrasser du gêneur et ainsi récupérer son ami. Mais la bizarreté de cette situation et celle de son rêve auparavant fit émergé au fond d’elle-même l’envie de ne pas user de sa force physique. Des espaces blancs étaient encore présents dans son esprit et elle avait bien l’intention de les combler. La magicienne tint son étoile dans la main et travailla à rendre son corps le plus léger possible grâce à sa pierre de vent. Prenant soin de rester à ras de terre, elle se déplaça rapidement. Mais elle n’était pas dupe ; même un rapace pouvait prendre un lièvre et celui qui la suivait ne semblait pas vouloir lâcher sa proie. Heureusement le soleil était de son côté.
Voyant l’ombre du prédateur arriver, Mitsuki changea brusquement de tactique. Elle concentra de la puissance magique dans son pied et se projeta dans les airs vers l’oiseau qui amorçait déjà sa chute. La créature fut prise de court, elle tenta sans succès d’échapper à l’impact mais c’était peine perdue ; la jeune femme l’avait attrapé par le gilet. S’en suivit l’un des plus nuls atterrissages connus par les espèces volantes. Ils cassèrent plusieurs branches sur leur passage avant d’être séparé par la dernière ramure, bloquant momentanément la chute de la créature tandis que Mitsuki finissait sa course en poussant un cri quand l’un de ses reins rencontra une racine surélevée. Le fourreau du katana acheva définitivement l’état de son dos. Elle roula péniblement sur le ventre, des larmes de douleurs aux yeux. C’était le pompon pour elle. Le bon côté de tout ça c’était que son adversaire était à peu près dans le même état qu’elle. L’homme-oiseau se releva laborieusement, de la fumée sortait de son flanc. Tout en se tenant le côté droit, il sortit un poignard d’une des poches de sa veste, prêt à tuer. Sous le coup de la panique, Mitsuki se releva trop rapidement et le regretta vite. La douleur dans son dos fut si forte qu’elle lui donna la nausée et voila un instant sa vision. Elle réussit miraculeusement à sortir son sabre de son fourreau avant de tomber inconsciente sur le sol. Elle ne put ainsi voir le visage choqué de son adversaire, les yeux fixés sur la lame de son katana.
Très loin dans le temps, une très jeune Mitsuki jouait dans la cour intérieure du château de son grand-père. Shiro, qui tenait son nom de ses cheveux d’un blanc immaculé, jouait également à l’intérieur mais plus tranquillement que sa cousine. Lorsque le conseiller Toad, Fungi, entra, Mitsuki cessa de taper un mannequin d’entrainement des gardes, plus intéresser cependant par la personne qui l’accompagnait. C’était un enfant qui se trouvait entre l’humain et l’oiseau, il avait un bec et des plumes d’un noir aux reflets cuivrés mais ses ailes n’étaient que des bras au plumage hirsute. Fingu s’éclaircit la gorge :
- Jeune maître Shiro, jeune maitresse Mitsuki. Permettez-moi de vous présenter ce jeune ventrardent du nom de Robin. Son père est venu parler affaire avec sa majesté pendant quelques jours et il a pensé qu’il ferait un excellent compagnon de jeu pour vous deux. Tâchez de faire honneur à votre rang et de lui offrir l’hospitalité qu’il lui est dû.
Les gouttes d’eau s’écrasaient sur le sol éclatant alors le silence qui régnait dans cet espace pauvre et clos. Tout était calme dans ce décor en noir et blanc, rien qui n’aurait pu effrayer les habitués des lieux. L’un d’eux d’ailleurs, formé d’une encre noire pâteuse, circulait avec fluidité dans cet environnement qu’il avait su domestiquer à la perfection. A quelques détails près. Une tête de couleur obsidienne sortie de la masse ténébreuse, puis s’allongea pour planter profondément ses dents de carnassier dans son propre flanc. Doucement il en sortit le second habitant inconscient et le jeta sans ménagement sur le sol. Recouvert d’une substance gluante, celui-ci prit brusquement une énorme bouffée d’air avant de se retourner pour régurgiter le liquide noirâtre qui s’était infiltré par la bouche et les narines. La bête s’éclipsa avant que la jeune femme puisse reprendre tous ses esprits. Il n’avait pas fait ça par bonté de cœur, c’était son hôte et cela n’ennuierait sincèrement qu’elle meure.
Au même instant, Mitsuki rampait hors de l’eau vomissant l’eau qu’elle avait involontairement avalé. La bonne nouvelle c’est qu’elle n’avait pas perdu son katana, ni son collier, et son fourreau était miraculeusement encore dans son dos. La mauvaise, c’était que sa manie de garder sa prise sur son arme lui avait salement tordu le poignet. Par chance la blessure n’était pas ouverte mais elle restait qu’en même douloureuse. Elle se releva en titubant sur ses jambes lourdes, prenant soin de maintenir immobile son poignet qui la faisait atrocement souffrir au moindre mouvement. D’une main tremblante, elle déboucla la lanière qui maintenait son fourreau dans son dos et rangea son katana. Il lui fallut un moment pour y arriver mais elle réussit, bien que cette action n’atténuât en rien la douleur. Douleur qui lui indiquait avec aveuglement le responsable de son malheur lorsque Yosushi se fit entendre en crachant le mélange de sable et d’eau de mer qui s’était infiltré dans sa gorge.
- Kof kof, ça va Mituski ? demanda Yosushi.
- Ça va ? ÇA VA !? On vient de perdre notre unique moyen de transport, se retrouvant à la merci d’une île dont on ne connait rien mais qui est prête à nous tuer et tu me demandes si ça va !!!
- Oui, euh, enfin, je crois comprendre que c’était une question stupide.
- Oh mais quelle perspicacité ! T’as trouvé ça tout seul ?
- Oui et ce n’est pas une raison pour te montrer blessante envers moi. Ne nous fâchons pas et essayons de prendre les choses du bon côté, nous sommes encore en vie. Et je pense que si nous travaillons ensemble sur ce problème calmement, nous pourrons nous sortir facilement de cette situation.
Mitsuki voulut riposter mais elle fut incapable d’ouvrir la bouche. Les paroles de son ami lui avait fait l’effet d’une claque dans la figure et elle ne pouvait que le regarder avec des yeux ronds comme des balles de tennis. L’optimisme du lézard lui aurait peut-être permis de reprendre son sang-froid mais c’était sans compter sur son poignet qui lui rappelait la douloureuse situation dans laquelle elle était. Elle ferma les yeux, soupira lentement, son corps détendu. Mais quand elle les ouvrit à nouveau, Yosushi prit conscience que son apaisement n’était que de façade.
- Tu vois j’ai fait beaucoup d’effort, dit-elle d’une voix glaçante, ça a été très dur pour me comporter comme il faut. Et qu’est-ce que je récolte ? Un bateau bousillé et un poignet cassé. Mais je suppose que ça n’a plus d’importance maintenant. Mes réserves de magie sont presqu’à sec et j’ai la migraine. Alors excuse-moi mais s’il y a bien un moment où je pourrais piquer une colère, c’est bien maintenant. Et comme je me connais bien sur ce sujet, je vais aller tranquillement me vider la tête en allant parcourir seule l’île, même s’il y a possibilité que quelque chose me tombe dessus. Sommes-nous clair là-dessus ?
Yosushi ne bougea pas d’un cil et se contenta de hocher la tête.
- Bien, répondit Mitsuki avec un sourire carnassier.
D’un coup sec, elle tourna les talons et s’enfonça dans la forêt luxuriante, laissant pantois son ami empoté sur la plage. Bien que le Yoshi s’inquiétait pour elle, ce n’était pas le cas de la magicienne qui savait que l’hybris avait besoin de magie pour prendre le contrôle de son corps.
C’est au bout d’une vingtaine de minutes d’une marche compliquée, dans une flore dense que Mitsuki décida de s’arrêter au pied d’un immense arbre pour reprendre son souffle. En l’observant de plus près elle identifia non pas un mais trois ficus entremêlés pour ne former qu’un unique tronc noueux. Elle s’assit sur une racine surélevée et sortit son étoile de sous son T-shirt. Son sac et sa casquette perdus dans les eaux, elle devait se résolue à se soigner avec ses artefacts, ce qui risquait d’empirer encore un peu plus sa migraine. Mais au point où elle était. Son étoile s’alluma et produisit de fines gouttes rouges qu’elle étala sur sa peau. Prenant son mal en patience, elle réprima ses cris de douleurs tandis que ses articulations, os et ligaments se remettaient peu à peu en place. Lorsque ce fut terminé, elle était recouverte d’une fine couche de sueur et sa fatigue en était devenue insupportable. Elle était piégée dans un cercle vicieux : sa migraine l’énervait et sa colère lui rappelait sa migraine.
Rassemblant le peu d’énergie qui lui restait, elle grimpa avec difficulté à l’arbre. C’était une mesure de précaution ; elle se trouvait dans un environnement inconnu et se reposer au sol reviendrait à devenir la cible des créatures sauvages qui pouvait potentiellement habiter cette île. Une fois au sommet du tronc, là où toutes les ramures commençaient à se disperser pour gagner un maximum de soleil, elle retira sa chemise qu’elle roula en boule afin de s’en faire un oreiller et s’installa le plus confortablement, avec le plus de sécurité possible, dans un creux au contact du bois. Elle s’endormit espérant qu’ils n’existaient pas de prédateurs pouvant grimper aux arbres.
Cette fois-ci le rêve se mélangea avec des souvenirs, Mitsuki le sentait, bien qu’elle n’eût aucune idée d’où et quand elle les avait vécus. Elle reconnut de suite le décor comme étant une des cours intérieures du château familial. L’une des fenêtres-vitraux menant au bureau de son grand-mère était cassée mais aucune trace de verres brisés sur la pelouse. A côté d’elle se trouvait un jeune oiseau humanoïde recouvert d’un plumage noir aux reflets cuivrés et habillé d’un gilet sans manche de la même couleur. Il me regarda avec des yeux proches de la lave en fusion et leva ses bras longs et grossiers. Ses plumes, alors collées, se déployèrent et d’un coup sec lui permirent de décoller vers le ciel. Intriguée par cette apparition, la jeune femme se décida à le suivre de la même manière. C’était son rêve après tout, elle pouvait faire ce qu’elle veut. Mais malgré qu’elle battît des bras, elle restait clouée au sol. Abasourdie elle tenta de sauter mais ses jambes refusaient de bouger. Poussée par une raisonnement onirique, elle chercha ses artefacts pour se sortir de cette situation. C’est à ce moment précis qu’elle s’aperçue avec horreur qu’elle n’avait plus ses pierres. Le gazon s’effaça peu à peu tandis que l’enfant-oiseau continuait son voyage dans les airs. Ne pouvant rien faire, elle tomba dans le néant bien qu’elle sentit des griffes lui transpercer la peau du dos afin de ralentir sa chute.
Mitsuki se réveilla brusquement de sa sieste réparatrice. Un oiseau, apeuré par cette précipitation, s’envola d’une branche du ficus pour s’installer à l’abri sur une branche plus lointaine. La magicienne se redressa, essuya les traces de bave et de salissures qui encrassaient ses joues avant de remettre sa chemise sur ses épaules. Elle leva ses yeux ensommeillés vers le ciel et regarda la position du soleil. D’ici trois heures il sera couché. Il valait mieux retourner sur la plage où se trouvait Yosushi. Cependant, Mitsuki n’avait aucune envie de se confronter à lui pour le moment. Une partie d’elle-même voulait même rester dans cet arbre, elle était bien et c’était plutôt hors de danger. Mais elle savait que cette partie était également celle qui lui demandait de rester au lit le matin. Ecoutant alors sa raison, elle descendit prudemment de l’arbre.
Elle continuait de rebrousser le chemin quand elle leva la tête vers un spectacle qui ne manquait pas d’intérêt. Un oiseau de type exotique s’était perché sur une branche. Il commença à gazouiller joyeusement suivit par quelques compères au loin qui entonnèrent avec lui le même chant. Pour ce qui aurait paru comme un événement banal pour la majorité des gens, ce ne fut pas le cas pour le cerveau de Mitsuki qui fouilla à son insu dans sa lointaine mémoire. Ce qu’il trouva gela sa propriétaire sur place. Depuis quand les oiseaux savent-ils chanter « Les arbres de Penocta ».
Elle n’eut pas le temps de se questionner plus que ça car un cri lointain se fit entendre. Il venait de la plage. Yosushi ! Instinctivement Mitsuki se mit en courir en direction de la plage. Elle espérait qu’il ne lui était arrivé rien de mal et même si c’était le cas, elle s’excuserait pour son comportement de tout à l’heure. Elle courrait toujours quand elle vit soudain l’ombre d’une silhouette la survoler. La jeune femme eut la mauvaise idée de regarder en l’air. Sa chaussure buta contre une racine et elle s’étala de tout son flanc par terre, s’écorchant le menton au passage. Plusieurs ombres lui passèrent à nouveau dessus mais cette fois-là elle entendit des protestations qu’elle trouva incompréhensibles jusqu’à ce qu’elle reconnaisse la voix de Yosushi. Elle fut rapidement suivie par le cri d’un immense rapace. Elle se releva et fit demi-tour afin de suivre les créatures qui s’en était pris à son ami. Elle avait finalement bien fait de faire une sieste. Mais avant qu’elle puisse faire un pas, elle entendit une branche gémir légèrement sous le poids d’un animal. Elle dirigea son regard vers le bruit. L’une des créatures qui avaient attaqué Yosushi avait atterri.
De la taille d’un humain adulte, elle était recouverte de milliers de plumes rabattus qui donnait à l’ensemble une texture similaire à celle d’un charbon de bois. Pas de doute, il était de la même espèce que l’enfant dans son rêve. Son bec semblait être taillé dans de l’obsidienne et ses yeux renvoyaient un regard similaire à du fer chauffé à blanc. Les plumes de ses ailes rétractés laissaient entrevoir à leurs extrémités des doigts noires et squelettiques. Il en était de même pour ses pattes ; on aurait dit qu’elles étaient faites d’os carbonisés. Comme preuve de civilisation, ce dernier portait un gilet sans manche fait de cuir et de fibres végétales. Déstabilisée par cette apparition soudaine, Mitsuki se reprit rapidement. Elle ne se rappelait plus le nom de cette espèce mais elle était sûre que celle-ci existait. Peut-être pouvait-elle entrer en contact en évitant d’en venir aux mains.
- Euh bonjour. Excusez-moi, nous nous sommes échoués sur votre île par mégarde. Nous ne vous voulons aucun mal. Mon ami s’est sans doute mal comporté avec vous, je m’excuse de son attitude envers vous et je vous serai grès de le laisser tranquille. S’il vous plait.
Comme réponse, l’oiseau lui jeta un regard assassin et lui lança une lame de couteau qu’elle évita de peu. Voyant cela voulait dire « non », Mitsuki s’élança à la recherche de Yosushi, entendant par la même occasion que son adversaire avait repris son envol. Sa tranquillité fut de courte durée puisque ce dernier revint à la charge. Il fondit sur elle et tenta de l’agripper à l’aide de ses serres. Mitsuki réussit à ne pas se faire embarquer en plongeant au sol tandis que derrière elle l’oiseau redressa sa trajectoire d’un puissant battement d’ailes. L’inconfort senti à cause de ses artefacts lors de l’impact lui rappela qu’elle pouvait toujours utiliser ses pouvoirs pour se débarrasser du gêneur et ainsi récupérer son ami. Mais la bizarreté de cette situation et celle de son rêve auparavant fit émergé au fond d’elle-même l’envie de ne pas user de sa force physique. Des espaces blancs étaient encore présents dans son esprit et elle avait bien l’intention de les combler. La magicienne tint son étoile dans la main et travailla à rendre son corps le plus léger possible grâce à sa pierre de vent. Prenant soin de rester à ras de terre, elle se déplaça rapidement. Mais elle n’était pas dupe ; même un rapace pouvait prendre un lièvre et celui qui la suivait ne semblait pas vouloir lâcher sa proie. Heureusement le soleil était de son côté.
Voyant l’ombre du prédateur arriver, Mitsuki changea brusquement de tactique. Elle concentra de la puissance magique dans son pied et se projeta dans les airs vers l’oiseau qui amorçait déjà sa chute. La créature fut prise de court, elle tenta sans succès d’échapper à l’impact mais c’était peine perdue ; la jeune femme l’avait attrapé par le gilet. S’en suivit l’un des plus nuls atterrissages connus par les espèces volantes. Ils cassèrent plusieurs branches sur leur passage avant d’être séparé par la dernière ramure, bloquant momentanément la chute de la créature tandis que Mitsuki finissait sa course en poussant un cri quand l’un de ses reins rencontra une racine surélevée. Le fourreau du katana acheva définitivement l’état de son dos. Elle roula péniblement sur le ventre, des larmes de douleurs aux yeux. C’était le pompon pour elle. Le bon côté de tout ça c’était que son adversaire était à peu près dans le même état qu’elle. L’homme-oiseau se releva laborieusement, de la fumée sortait de son flanc. Tout en se tenant le côté droit, il sortit un poignard d’une des poches de sa veste, prêt à tuer. Sous le coup de la panique, Mitsuki se releva trop rapidement et le regretta vite. La douleur dans son dos fut si forte qu’elle lui donna la nausée et voila un instant sa vision. Elle réussit miraculeusement à sortir son sabre de son fourreau avant de tomber inconsciente sur le sol. Elle ne put ainsi voir le visage choqué de son adversaire, les yeux fixés sur la lame de son katana.
Très loin dans le temps, une très jeune Mitsuki jouait dans la cour intérieure du château de son grand-père. Shiro, qui tenait son nom de ses cheveux d’un blanc immaculé, jouait également à l’intérieur mais plus tranquillement que sa cousine. Lorsque le conseiller Toad, Fungi, entra, Mitsuki cessa de taper un mannequin d’entrainement des gardes, plus intéresser cependant par la personne qui l’accompagnait. C’était un enfant qui se trouvait entre l’humain et l’oiseau, il avait un bec et des plumes d’un noir aux reflets cuivrés mais ses ailes n’étaient que des bras au plumage hirsute. Fingu s’éclaircit la gorge :
- Jeune maître Shiro, jeune maitresse Mitsuki. Permettez-moi de vous présenter ce jeune ventrardent du nom de Robin. Son père est venu parler affaire avec sa majesté pendant quelques jours et il a pensé qu’il ferait un excellent compagnon de jeu pour vous deux. Tâchez de faire honneur à votre rang et de lui offrir l’hospitalité qu’il lui est dû.